Le multiculturalisme, comme le hockey, est l’un de ses sujets dont les Canadiens débattent beucoup. Malheureusement, comme dans le hockey encore, l’émotion a tendance à dominer le débat. Quand les politiciens et journalistes s’en mêlent, ils y ajoutent la démagogie. Il est donc normal que beaucoup de gens aient du mal à s’y retrouver. Essayons de faire le tri dans les idées.
Le multiculturalisme est critiqué sur deux points principaux. D’abord, on lui reproche de ralentir l’intégration des immigrants en les encourageant à garder leur culture d’origine. Ensuite, on affirme qu’il porte atteinte à l’égalité des citoyens et à la laïcité de l’état en permettant à certaines personnes de contourner les lois au nom de la religion.
Sur le premier axe, il y a des bonnes nouvelles : la réalité sur le terrain, mesurée statistiquement, montre qu’il n’y a pas matière à s’inquiéter. Le Canada ne connaît pas les problèmes de violence raciste observés dans plusieurs pays européens. Nos grandes villes ont des quartiers ethniques, mais ce ne sont pas des ghettos puisqu’il n’y a pas de pauvreté endémique et que la concentration d’immigrants de même origine n’est jamais aussi élevée qu’on le croit. Dans la ville de Brampton, par exemple, qui est parfois qualifiée de «ghetto Sikh», 67,78% des habitants sont chrétiens et le revenu médian est de 27,187 $, par rapport à 25,615 $ pour tout le Canada.
Autre excellente nouvelle : Statistiques Canada indique que les immigrants du Canada et leurs enfants, loin de souffrir du manque de dynamisme qu’on retrouve par exemple dans les «cités» immigrantes de la banlieue parisienne, sont généralement ambitieux. En 2006, une étude révélait que 79% des enfants immigrants faisant partie d’une minorité visible comptaient obtenir un diplôme universitaire, tandis que seulement 57% des enfants nés au Canada partageaient cet objectif.
On ne peut donc pas dire que l’immigration au Canada pose problème. En fait, ceux qui font face aux plus importants défis, ce sont les autochtones. Notons bien l’ironie. Le taux d’emploi chez les autochtones hors-réserve est de 70,1%. Il est de 82,5% pour les non-autochtones. Dans les réserves, le Caledon Institute of Public Policy rapporte de 58% des jeunes de 20 à 24 ans n’ont pas de diplôme d’études secondaires. Le taux de suicide est cinq fois plus élevé chez les jeunes autochtones que chez les non-autochtones.
Le gouvernement fédéral a longtemps cherché à intégrer de force les autochtones dans la société canadienne anglo-saxonne et on comprend maintenant à quel point c’était dangereux. En cherchant à briser les liens des autochtones avec leur culture ancestrale, le gouvernement a créé un vide culturel qui est à l’origine de nombre des problèmes auxquels les autochtones font face aujourd’hui. Faut-il y voir la preuve du bien fondé du multiculturalisme, qui cherche précisément à maintenir ses liens? Peut-être. En tout cas, une forme de multiculturalisme aurait été souhaitable lorsque les colonisateurs européens sont arrivés en Amérique du Nord. Ce même multiculturalisme semble aussi bien fonctionner aujourd’hui, comme en témoigne l’état excellent des communautés immigrantes du Canada.
Que dire, alors, de cette deuxième critique : que le multiculturalisme affaiblit l’égalité des citoyens et la laïcité de l’état en permettant aux immigrants de contourner les lois au nom de la religion? Tout simplement qu’il n’y a aucun lien entre le multiculturalisme et l’application des lois. Le multiculturalisme, c’est simplement un engagement de l’état d’aider les immigrants qui le souhaitent à maintenir les liens avec la culture de leurs parents. Concrètement, ça veut dire que le gouvernement verse chaque année quelques centaines de millions de dollars à des associations ethno-culturelles et qu’il ne met pas les nouveaux arrivants dans des situations où ils se sentent obligés d’abandonner leur culture d’origine pour se faire acceptés, comme par exemple en leur demandant de signer un contrat promettant de souscrire aux valeurs de leur pays d’accueil.
L’idée selon laquelle le caractère multiculturel du Canada devrait permettre à certaines personnes de se soustraire aux lois pour des motifs religieux est insensée : il n’y a aucune contradiction entre le multiculturalisme et l’application égalitaire des lois. Depuis Locke, nous définissons comme principe démocratique fondamental que ce qui est interdit en société civile l’est aussi dans le cadre de la religion. Il y a aucune raison pour laquelle le multiculturalisme devrait nous poussé à revoir ce principe. Rien n’empêche d’encourager les immigrants à maintenir les liens avec leur culture d’origine –l’ojectif du multiculturalisme- tout en les obligeant à écarter les éléments de cette culture qui sont interdits par la loi.
Le Canada est officiellement multiculturel depuis 1971. Comme nous l’avons vu précédemment, l’immigration se porte bien aujourd’hui. Est-ce grâce, ou en dépit du multiculturalisme, qui sait? Certains pays officiellement multiculturels comme le Royaume-Uni et le Pays-Bas ont des problèmes important d’intégration et même de terrorisme. D’autres pays qui préconisent l’intégration immédiate comme la France, la Belgique et la Suisse, font face à une montée de la violence raciste. En fait, il n’y a aucun modèle qui semble fonctionner partout. On constate cependant que l’intégration se fait plus facilement dans les pays comme le Canada, les Etats-Unis et l’Australie qui ont été peuplé récemment par des colons et où l’écrasante majorité de la population, au fond, est immigrante. Tout ceci n’est peut-être donc qu’une question de mentalités : qu’un pays soit multiculturel, pluriculturel, uniculturel ou culturellement vide, le plus important, c’est d’être tolérant.
Thursday, April 16, 2009
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