Tous les vendredis, les Canadiens nostalgiques de l’époque impériale ont la possibilité de regarder sur la chaîne parlementaire CPAC une rediffusion spéciale de la période des questions du Parlement britannique. Le spectacle en vaut la peine. Entassés dans une minuscule galerie sur des vieux bancs vert émeraude, les 646 députés de la vénérable Chambre des Communes passent une demi-heure de leur journée à poser des questions à leur premier ministre portant sur des enjeux principalement locaux. Celui-ci, ayant reçu à l’avance une copie des questions, a le temps de préparer quelques réponses sérieuses pour ses collègues qu’il lit alors flegmatiquement avec un petit sourire narquois franchement délicieux. Le tout se passe dans une atmosphère de bahut légèrement chaotique avec un gentil Président de
Chez nous, à Ottawa, la période des questions fonctionne assez différemment. La tradition britannique de respect qui a tant inspiré les fondateurs de notre pays semble largement éteinte, et a laissé sa place à une sorte de comédie libre dans laquelle les députés peuvent crier, s’injurier, et se dérober devant des questions légitimes sans remords ni réprimandes.
Le résultat est une période des questions dysfonctionnelle, inutile, et indigne d’une nation démocratique. Une perte de temps et d’argent.
Tout ceci pourrait pourtant être différent. Le Parlement de Westminster et les assemblées législatives de la plupart des autres pays démocratiques de ce monde nous montrent tous que le respect entre membres de formations politiques opposées est un idéal tout à fait atteignable. Nos élus ne sont pas génétiquement programmés pour le pugilat et peuvent travailler tout aussi efficacement pour leur pays sans s’insulter mutuellement à longueur de débats.
Si nos députés ont un tel problème de comportement, c’est parce qu’il est toléré – voire encouragé – par les médias et le public canadien. L’un des premiers ministres les plus admirés de notre histoire, Pierre Elliot Trudeau, aimait autrefois afficher son dédain pour la Chambre en répondant aux questions de l’opposition avec un air d’exaspération suprême. Parfois, dans des débats animés, lui et son opposant conservateur Joe Clark se narguaient en adressant leurs questions à l’ « honourable blockhead » ou au « millionaire d’Outremont ». Jean Chrétien, qui a règné sur le pays sans interruption 1993 à 2003, était connu pour son agressivité chronique en Chambre des Communes. Il bombardait souvent les députés de l’opposition d’insultes personnelles et gratuites pour marquer quelques points politiques. Mais loin de dégoûter les spectateurs, Chrétien les impressionnait plutôt par sa «combativité» et sa « personnalité de bagarreur de rue. »
La situation n’a toujours pas évolué. Aujourd’hui, le premier ministre Stephen Harper perpétue la tradition de ses prédécesseurs en traitant
Les seuls qui peuvent véritablement mettre fin à cette tradition parlementaire méprisable sont les électeurs canadiens. Tant et aussi longtemps qu’ils continueront à élire des politiciens au comportement indigne en Chambre et de tolérer l’hypocrisie totale des médias, ils auront un Parlement dysfonctionnel. Nous ne pouvons donc qu’espérer qu’au prochain scrutin, ils envoient aux parlementaires un message clair et précis : la petite politique, dehors!
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